Espagne

Traditions de la crèche en Espagne.

L'Espagne, tout comme l'Italie, a développé un art de la crèche particulièrement florissant et remarquable.

Son succès dans la péninsule ibérique est principalement dû à une évolution des mentalités et de la pratique religieuse. L'influence d'Ignace de Loyola (1491-1556) et de son ordre seront déterminants. Le saint va privilégier les expériences mystiques et contemplatives. Le tableau de dévotion sera utilisée très tôt comme support à la méditation. L'expérience mystique, vécue au travers des Exercices spirituels institués par le fondateur de l'ordre des Jésuites, atteindra son paroxysme dans la représentation tridimensionnelle du mystère de l'incarnation. Hormis une décision du synode d'Orihuela, en 1600, interdisant l'emploi de marionnettes (sic) pour les jeux de Noël sur l'autel de l'église, la crèche ne va pas rencontrer d'obstacle particulier à son développement. Elle est déjà connue dans certains sanctuaires espagnols à la fin du Moyen Âge(3). Son importance s'accroîtra à la période baroque. Louisa Roldan (1656-1704), fille du célèbre sculpteur sévillan Pedro Roldan, sculpte des figurines de crèche (aujourd'hui disparues) pour le roi Charles II et obtient le titre de "Sculpteur de Chambre de la Maison du Roi". À la même époque, un religieux d'origine madrilène, Frère Eugenio Guttiérrez de Torices (†1709), sculpte des compositions baroques peuplées de délicates figurines de cire très réalistes. Ces ensembles renfermés dans des niches vitrées comprennent une multitude de détails.

L'expansion de cet art devient général suite à l'avènement de Charles III, auparavant roi de Naples, qui lui vouait une véritable passion. On peut considérer qu'indépendamment de la crèche de cour ou de celle d'église, le thème commence déjà à se propager dans les milieux populaires aisés vers la fin du XVIIIe siècle. Des artistes dirigeant de grands ateliers et travaillant pour les églises tels Ramon Amadeu i Grau (1745-1821) et Damian Campeny i Estrany (1771-1855) qui résidera à Rome et deviendra l'ami de Canova vont apporter une contribution déterminante à la crèche de type catalan. Un autre artiste, Domingo Talarn i Ribot (1812-1902), élève du précédent, privilégiera, sous l'influence du courant romantique du XIXe siècle, les figures et décors de style oriental avec une recherche scrupuleuse d'authenticité que l'on pourrait presque qualifier d'archéologique (4). À cette époque, la tradition est déjà bien implantée: vers 1786, la foire aux crèches est attestée à Barcelone devant la cathédrale (5). On peut supposer que son origine est encore plus ancienne. Cette Foire de Sainte-Lucie a perduré jusqu'à nos jours avec des fortunes diverses. Elle demeure une des plus importantes au monde, même si depuis 1979, elle est plus que qualifiée de foire de Noël. On y trouve de nombreux éventaires proposant des figurines principalement de terre cuite, végétaux , écorces de chêne liège,...

La forme traditionnelle, unanimement répandue, consistait autrefois à reconstituer tout un paysage à partir d'écorce de liège, de végétaux frais et séchés, de sable et de terre. Ces compositions demandaient un espace relativement important. Dans les familles bourgeoises ou patriciennes, on n'hésitait pas à faire figurer dans un même décor tout le cycle de l'enfance depuis l'Annonciation jusqu'à la Fuite en Égypte. À noter qu'à l'époque, les habitations étaient souvent plus grandes. Aujourd'hui, la crèche domestique fonctionne toujours selon les mêmes principes, mais ses dimensions ne dépassent guère celles d'une table dans la majorité des familles.

En 1912, un commerçant, Antoni Moliné (1880-1963), réalisait la crèche chez les carmélites de la rue de Montseny à Barcelone. Manquant de place, l'idée lui vînt de construire, en arrière-plan, les montagnes d'une scène de l'annonce aux bergers en utilisant du plâtre peint. Il emprunta les matériaux à un ouvrier travaillant au couvent. La méthode donnant d'excellents résultats, il l'étendit l'année suivante et, deux ans plus tard, réalisa ainsi l'entièreté de la crèche. La technique du diorama était née! (6) Le sujet représenté –il peut s'agir d'un épisode biblique ou d'une tradition de Noël– fonctionne un peu comme s'il s'agissait d'un théâtre en miniature qui suit étroitement les règles de la perspective.

Une portion de paysage, inventé ou inspiré de la réalité, est ainsi reconstituée en entier dans un espace de profondeur réduite, jusque deux à cinq mètres pour les plus grandes réalisations, avec une perspective accentuée.

L'étude rigoureuse des détails, des accessoires, les éclairages et les couleurs apportent à l'ensemble un air de réalité et de mystère qui correspond bien au caractère intrinsèque de la crèche. Le spectateur découvre la scène au travers d'une paroi vitrée. Il a l'impression de se trouver devant un tableau en trois dimensions.

Dans la plupart des cas la composition est délimité par l'avant-plan, la grotte, l'étable ou encore la pièce d'habitation. Les portes, fenêtres ou ouvertures permettent d'apercevoir un paysage composé de deux ou trois parties juxtaposées.

Ce type de crèche est largement répandu dans toute l'Espagne, mais n'est pas exclusif. Il existe des styles de dioramas ou des techniques propres à chaque région.

On trouve, par exemple, dans la région d'Alicante des crèches sous forme de tableaux très raffinées. Tout l'art réside à représenter un décor en perspective sur à peine quelques centimètres de profondeur.

Dans le Pays Basque, la région de Guipúzcoa connaît, à l'instar de certaines contrées de l'Europe centrale, une tradition de la crèche portative. Ces petites œuvres enfantines de tradition populaire sont appelées jaiotzas. Les enfants vêtus de costumes basques les apportent sur un brancard en bravant les rigueurs hivernales. Ils transmettent dans les fermes isolées, de hameau en hameau, l'image de la Nativité et la joie de Noël.

Le portal de Belèn désigne une crèche de dimensions plus limitées, semblables à nos crèches d'Europe septentrionale.

À Barcelone, la toile de jute et le plâtre restent, comme au début du siècle passé, les matériaux de prédilection. Les autres associations utilisent davantage le polystyrène et divers matériaux d'isolation. Le diorama n'est pas à proprement parler une forme populaire; cependant sa diffusion est telle qu'il est, en Espagne, incontournable (7). Il est également connu et largement diffusé en Italie depuis le milieu du XXe siècle. Les créateurs de crèches actuels le considèrent comme la forme la plus accomplie, d'un point de vue scénographique et artistique. Il est surtout utilisé pour les collectivités.

Ces décors, si beaux soient-ils, ne connaissent qu'une existence éphémère. Ils sont pour la plupart détruits après le temps de Noël. Seules les figurines sont préservées.

Il faut distinguer les créchistes qui confectionnent les décors et les sculpteurs ou figuristes qui sont spécialisés dans les personnages. Les premiers se comptent par milliers.

À l'heure actuelle, la majorité des figurines espagnoles sont soit réalisées en terre cuite estampée ou coulée dans des moules soit modelée à la main. On appellera les sujets uniques de palillo en référence au "pal" ou au pieu, utilisé comme armature lors de la création du personnage. On utilise deux types de figures uniques ou de série dans les dioramas. Elles sont de style naturaliste et chaque détail est reproduit avec précision, dans des proportions correctes, afin de donner à l'ensemble une image aussi proche que possible de la réalité. Par souci de solidité, les artisans réalisent certaines parties en plomb: mains aux doigts séparés, bras détachés du corps, pattes, cornes et oreilles de certains animaux.

La plupart du temps, à l'exception des grandes compositions, le diorama garde un caractère intimiste et ne comprend qu'un nombre restreint de personnages de tailles décroissantes.

Par opposition, les figurines populaires, qui ne sont pas des créations originales, appelées aussi cacharreria (autrement dit qui sont assimilées à des articles de poterie) sont réalisées, pour la plupart, à partir d'anciens moules usés transmis de génération en génération. L'utilisation abusive de ces moules en a fait progressivement disparaître les contours; ce qui leur confère un air naïf et un peu rond aux formes archaïques. Leur élaboration est souvent le fruit d'une technique peu évoluée. Les pattes des animaux sont représentées avec des clous ou du fil de fer. Elles sont peintes, parfois même surchargées, de couleurs vives. Les scènes, reflets des métiers ou de la vie populaire introduisent les anachronismes et incohérences historiques. Par opposition au diorama, elles figurent dans la crèche en grand nombre.

Les acteurs du mystère, c'est-à-dire la Sainte Famille, l'âne, le boeuf et l'ange puisent leur iconographie dans l'imagerie populaire. Ils sont souvent représentés en adoration, agenouillés autour de l'enfant, tandis que les figures plus"artistiques" n'entrent pas dans le même carcan. Elles témoignent de plus d'originalité et d'une plus grande liberté de composition.

Les centres de production se situent en Catalogne (à Barcelone et à Olot) à Murcie, à Madrid et, dans une moindre mesure, en Andalousie, notamment à Grenade et dans la région de Cadix (Jerez de la Frontera).

Barcelone et la Catalogne

La Catalogne, comme je l'ai énoncé plus haut, a une tradition ancienne de la crèche. Deux styles sont représentés: le style oriental ou hébreu et le style régional dont la popularité a varié selon les époques.

Les oeuvres de tradition populaire issues de mains humbles sont pour la plupart restées anonymes. Dans les années 1930 cependant, Joan Amades (8) avait réussi à recenser plus d'une centaine de noms de sculpteurs et de figuristes attachés à la création des figurines de crèches en Catalogne durant le XIXe siècle. Le plus connu, et un des plus raffinés, reste Talarn que nous avons évoqué plus haut.

Il est bien sûr impossible de citer tous les sculpteurs, quelques noms ont marqué le XXè siècle par leurs innovations, l'originalité ou la qualité de leurs oeuvres.

Lluis Carratalà i Vila (1895-1991), sculpteur de talent et acteur de théâtre, excellait dans la représentation des costumes catalans qu'il portait lui-même en scène. Sous la dictature franquiste, durant la Foire de Sainte-Lucie, un officier de la garde civile lui avait fait retirer de la vente tous les personnages portant la baratine, bonnet rouge catalan, qui était devenue un emblème politique. En résistance à l'arbitraire, et partant du principe qu'on ne pouvait l'empêcher de vendre les personnages principaux, il a été le premier à modeler la sainte Famille en costumes régionaux... en prenant soin de laisser Joseph tête nue! La théâtralité, le sens de la mise en scène et de la composition sont omniprésents dans son oeuvre. On le remarque particulièrement dans la représentation en dioramas des coutumes locales de Noël. Par exemple, le retour pour la fête des membres de la famille à la maison paternelle selon l'adage: "Per Nadal, cada ovella al seu corral" (Pour Noël, chaque brebis regagne sa bergerie), le CagaTio, jeu imaginé pour occuper les petits durant les préparatifs de la veillée de Noël , qui consiste à extraire d'un tronc creux, au moyen d'un bâton, les friandises qui y sont dissimulées. La Nit de Reis (la nuit des Rois) fait allusion aux Rois mages qui apportent les présents aux enfants la nuit de l'Épiphanie. On peut citer aussi la leçon de catéchisme, l'histoire sainte enseignée devant la crèche par les grands-parents aux enfants. Sa fille Montserrat, aujourd'hui très âgée, continue une production discrète à partir des moules de son père (9).

L'atelier Castells poursuit un parcours exemplaire. Sa renommée est reconnue dans toute l'Espagne et à l'étranger, à un point tel que la poste espagnole a consacré un timbre à une de ses oeuvres en 1976.

Marti Castells i Marti (1915-1995), après avoir retravaillé les moules de son père, s'est illustré dans la production de milliers de pièces uniques d'un réalisme extraordinaire. Tandis que ses frères Juan (1909-1988) et Josep (1913-2002) administraient l'entreprise et assuraient la production des figures de série. Ces dernières représentent une forme de classicisme de la crèche espagnole. Marti Castells a principalement créé des modèles de style biblique. La variété de ses sujets est immense: il a reproduit dans l'argile tout le cycle depuis l'Annonciation jusqu'à la Fuite en Égypte et la maison de Nazareth, mais aussi des épisodes de la vie publique et de la Passion du Christ. Il a également modelé des groupes catalans de différentes régions (Barcelone, Lérida,..) et des costumes basques. Certaines de ses créations sont inspirées de maîtres anciens: on lui doit, entre autres, une très belle adoration des bergers modelée d'après un tableau de Murillo et exécutée de série (10).

Les neveux de Marti Castells, Joan (1948) Castells i Badia et son frère Marti (1950) sont la troisième génération à poursuivre l'oeuvre familiale malheureusement sans avoir la même créativité ou l'enthousiasme de leurs prédécesseurs!

Autre famille célèbre: celle des Daniel. José Daniel i Ursueguia (1909-1990), artiste autodidacte (11), s'était spécialisé dans la représentation des figurines de style biblique remarquables par le mouvement, l'étude de la musculature et de l'anatomie. Ses bergers portent souvent des peaux de moutons.

Son fils, appelé aussi José Daniel, continue, tout en créant, de reproduire les oeuvres paternelles. Les Colomer, d'abord spécialistes des décors en liège magnifique et producteurs de santons en matière plastique, ont entamé depuis la fin des années 1980 une création de personnages en terre cuite qui n'est pas sans rappeler les oeuvres des Daniel.

Les membres de la famille Muns réalisent eux aussi des personnages depuis trois générations. Manuel Muns i Ferreres (1903-1995) fut formé par son père Vincenç (1880-1970) qui, sans effectuer les tirages des personnages, réalisa pour lui plusieurs moules de 12 centimètres. Il travailla pendant des années chez les Castells avant de s'installer à son compte. Il est reconnu pour le modelage des animaux. Ses personnages, en majorité de style oriental, sont caractérisés par des attitudes originales et d'un grand naturel. Son fils Andreu Muns i Fernandez (1939) est le troisième à poursuivre la tradition (12). Il est spécialisé dans les figures de style régional.

Dans un registre plus actuel, Monserrat Ribes i Davius de Castellar del Vallès réalise des groupes en résine peints à l'huile qui font preuve d'un grand sens esthétique et de la composition. Ces personnages sont parfois un peu plus difficiles à inclure dans un diorama. Le naturel est omniprésent et l'élément anecdotique touchant. Notamment, la Vierge en costume catalan qui nettoie le postérieur de l'enfant et Joseph qui accourt avec des langes de rechange.

Dans la tradition des figures populaires, il convient de citer l'oeuvre des frères Vidal i Roca, José (1915) et Ramon (1925) dont la production est à présent arrêtée. Ils étaient installés au Pueblo Espanol depuis 1942. Leur création la plus célèbre reste leur interprétation du personnage ambigu du Caganer (13) qui, pantalon baissé, défèque à la crèche.

José Barbero Rodriguez occupe une place particulière dans le monde des figuristes. Né en 1929 dans une famille de sculpteurs grenadins, il acquit une solide formation auprès de son oncle, Rafael Barbero Medina, maître-sculpteur de l'école sévillane. Il a travaillé de 1969 à 1999 en tant que sculpteur restaurateur attaché à la conservation et à la reproduction des oeuvres originales de la cathédrale de la Santa Cruz de Barcelone. Il a modelé de nombreuses figures de palillo de 10 centimètres inspirées des oeuvres de Ramón Amadeu Grau et de Francisco Salzillo Alcaraz. De style baroque, chaque pièce sortant de ses mains est unique. Il utilise des moules d'ébauche pour définir la taille des personnages. Pour chacun d'entre eux, il retravaille le costume, les attitudes et peaufine les traits des visages toujours différents.

La petite ville d'Olot est un autre centre important de production au nord de la Catalogne, mais l'esprit y est tout à fait différent. Elle est généralement spécialisée dans la statuaire religieuse et exporte dans le monde entier. On y trouve des pièces de grandes dimensions qui excèdent 40 centimètres. Les oeuvres de l'école olotine conviennent particulièrement pour les crèches publiques monumentales. Elles sont généralement produites en plâtre ou en pâte de bois (matériau à base de plâtre mélangé à des éléments végétaux). Ce procédé autorise, par l'introduction de composants d'origine vivants, la bénédiction des statues. Les modèles les mieux finis ont des yeux de verre introduits par l'intérieur de la tête qui a subi une véritable trépanation. L'Enfant Jésus de grandeur naturelle, utilisé chaque année pour la messe de minuit dans la basilique de la Nativité à Bethléem, provient de la villette espagnole. Cette industrie fondée en 1880 sous l'impulsion du peintre Vayreda, du directeur de l'école locale des Beaux-Arts Joseph Berga i Boix et de Valenti Carrera était destinée à fournir du travail aux artistes en chômage en concurençant la statuaire française Sulpicienne. On y trouve les mêmes influences : formes stylisées, académisme dominant et tons pastels parfois qualifiés de mièvres. Actuellement, 300 personnes se consacrent à une production distribuée dans le monde entier par une vingtaine d'ateliers (14).

Murcie et le Levant

Murcie dans la province du Levant est probablement, avec la Catalogne, la région qui a apporté la meilleure contribution au développement de l'art créchiste en Espagne. Elle doit sa renommée au sculpteur Francisco Salzillo Alcaraz (1707-1783). Fils d'un sculpteur originaire de Capoue, près de Naples, il avait hérité de son père la tradition de la crèche. Il s'est d'abord distingué par la représentation des grands thèmes de la Passion et de groupes processionnels de la semaine sainte, les pasos (15). À la fin de sa vie, il entreprit une oeuvre magistrale qui reste un chef-d'oeuvre du baroque espagnol: la grande crèche de Don Jesualdo Riquelme peuplée de 556 personnages de 30 à 10 centimètres dont 166 sont des anges ou des humains. Le reste étant des animaux. À travers les différents épisodes bibliques de la visitation à l'évasion en Egypte, Salzillo a représenté en détails la réalité de son temps: bergers, travailleurs et mendiants tels qu'il pouvait les rencontrer. Son élève préféré Roque Lopez en a modelé beaucoup. Il a réalisé la plupart des éléments architectoniques qui sont encore partiellement conservés. Cette création magistrale a servi de modèle à l'esthétique générale de la crèche en Espagne. Elle constitue une base essentielle dans l'émergence des styles populaires régionaux.

Au cours du XIXe siècle, la tradition a persistée dans différents ateliers et quelques grands noms comme Santiago Baglietto (1784-1835) et Francisco Sanchez Tapias et sa famille.

À l'heure actuelle, on trouve à Murcie une multitude d'ateliers dont certains remontent à la fin du XIXe siècle. La majorité de ces ateliers gravitent autour de quelques familles renommées. La plupart de ces artisans travaillent de manière collective.

José Cuenca Valverde, né en 1918, est le doyen des figuristes de Murcie. Il a travaillé dans l'esprit de l'école de Salzillo. Ses modèles sont légèrement simplifiés et s'inspirent des costumes et des attitudes du XVIIIe siècle. La polychromie, fidèle à la tradition populaire, est traitée dans un répertoire chromatique plus vif que celui des oeuvres originales.

La tendance la plus prisée ou la plus exportée actuellement est celle des figurines de style biblique.

Elles sont en barbotine coulée et la plupart du temps recouvertes partiellement de tissu encollé et peint. Cette technique inventée en Sicile à l'aube du XVIIIè siècle va permettre la réalisation en série de personnages dont le corps est sommairement taillé ou modelé. L'emploi d'étoffe rigidifiée par un mélange de colle et de craie va apporter au sculpteur une grande rapidité d'exécution, réduire les coûts de production et permettre des drapés d'un effet très naturel. On notera une préférence marquée pour les couleurs neutres ou sombres. Ces figurines manufacturées en grandes séries sont de bonne qualité esthétique et technique. De nombreux stades de la production, réparage, peinture, encollage des étoffes sont réalisés à la main. Leur facture les prédestine plus volontiers aux montages populaires à partir d'éléments naturels. On les utilise dans les crèches familiales ou encore dans celles réalisées en plein air.

La taille restreinte de ces personnages, qui n'excèdent pas, sauf rares exceptions, 25 centimètres pour les plus grands, permet l'agencement simultané dans un même cadre de différentes scènes bibliques mêlées à celles de la vie quotidienne. La crèche devient une histoire sainte, condensé de l'enfance du Christ.

Manuel Ortigas Mendes (†1979) a dirigé le plus grand atelier espagnol dédié à la crèche. Il a occupé jusqu'à une cinquantaine de collaborateurs et exporté ses oeuvres dans le monde entier. Il a ouvert des ateliers en Amérique latine. Il a travaillé aussi bien dans le registre populaire que dans l'oriental (16). En 1978, il a du faire face à une faillite sensationnelle. Ses moules furent vendus et dispersés pour payer les employés, une autre partie fut détruite.

Dans son sillage, José Fernandez a créé des modèles pour le précédent en travaillant de nouvelles polychromies. Il a fondé son propre atelier sous le label "Decorarte". Ses pièces sont très prisées des collectionneurs.

Les trois frères Griñan, Manuel, Juan Antonio et Jesus ont acquis au cours des dernières décennies une réputation internationale. Leurs créations allient classicisme et lignes épurées, visages finement modelés. Ils sont auteurs de crèches publiques monumentales, notamment celle réalisée dans le style de Salzillo à Murcie en 1981 et la grande crèche orientale simultanée montée à Bruxelles pour la Noël 1991 et exposée l'année suivante à la Krippana. Plusieurs de leurs enfants ont ouvert des ateliers; c'est pourquoi il n'est pas toujours facile de bien distinguer la production des uns et des autres.

Enfin pour compléter ce tableau succinct, Pedro Serrano Monino symbolise à lui seul le travail de l'école levantine. Passionné par la crèche depuis l'enfance, il écoule dans le monde entier, sous le label d'Artisanat Serrano, la production de divers créateurs. La crèche monumentale, réalisée chaque année à San Javier (Murcie) est une création de son atelier. Montée en plein air, elle s'étend sur 300 mètres carrés et comprend plus de 3000 personnages. Elle est renommée dans toute l'Espagne.

Madrid

À Madrid, la capitale, une tradition de la crèche est établie de longue date. Elle a dû se répandre assez tôt dans les classes populaires puisqu'un premier marché de la crèche se tînt dès 1850 sur la Plaza de Santa Cruz. Il a lieu actuellement sur la Plaza Mayor. Pourtant, la région se distingue davantage par le nombre de créchistes que par celui de figuristes. Par le passé, seuls quelques noms comme Eugenio Gutiérrez de Torrices qui travailla surtout la cire, Alejandro Martin (†1946) spécialisé dans la représentation des types populaires, Bonifacio Anton, auteur d'une production en plâtre, ou Luis Bundia, décédé dans les années '60, ont retenu l'attention.

Deux artistes madrilènes occupent une place remarquable dans la création espagnole actuelle. Le premier, Obdulia Acebedo, est atypique par le style et par le matériau employé. Il préfère le papier mâché à la terre cuite pour la confection des corps. Les gestes des personnages, parfois poussés à l'emphase, leurs donnent une allure dramatique. Il drape ensuite ses figurines d'étoffes très plissées, ce qui renforce encore le caractère baroque de ses oeuvres dont la technique irréprochable s'apparente plus à l'art qu'aux traditions populaires.

La réputation du second, José Luis Mayo Lebrija, a dépassé les frontières de la péninsule ibérique. Né à tolède en 1941, et formé dès l'âge de 14 ans à l'école de Murcie, il obtint un premier prix lors d'un concours de figures de crèches organisé par l'association des Belenistas et la commune de Madrid. La Grande Crèche de Madrid avec ses 240 figures de palillo édifiée à Paris en 1988 en collaboration avec le créchiste décédé Fernando Cruz Àvalo († 1992) va encore accroître sa notoriété. Mayo, comme Castells, excelle dans la création de pièces uniques. La production de série est assurée par de nombreux collaborateurs. Son travail est caractérisé par la finition, l'harmonie et le naturel des attitudes. Ses personnages sont peints à l'acrylique. Les mélanges de couleurs, harmonieux mais peu contrastés, rappellent ceux des figurines de Murcie. Les costumes d'époque biblique sont reconstitués de manière scrupuleuse dans un style tout à fait différent de celui des personnages catalans (17).

José Luis Mayo est aussi l'auteur de divers ensembles régionaux très réussis inspirés par les traditions et le folklore: une crèche basque, une madrilène, une navarraise, une sévillane,... ont vu le jour pour les différentes associations.

L'Andalousie

L'Andalousie est déjà remarquée au XVIIIe siècle pour sa production de figurines de crèches populaires.

Les figures en terre cuite d'Angel Martinez Garcia (1882-1946) de Puerto de Santa Maria possèdent un style local prononcé (18). Elles sont le reflet minutieusement observé de la société agraire et maritime andalouse. Chaque pièce provient de la combinaison de différents moules. Ses groupes de bergers avec leurs animaux, chèvres, brebis ou vaches (animaux peu fréquents dans la région) de même que ses groupes de pêcheurs dans les rochers, sont particulièrement remarquables.

De son vivant, l'auteur a reçu différentes distinctions: grand prix de l'exposition de la fête de Noël des mains du Roi Alphonse XIII en 1927, la première médaille de l'oeuvre syndicale d'artisanat de 1943 et le diplôme d'honneur au concours national de figures de crèches de 1944.

À sa mort, son oeuvre a été poursuivie par sa talentueuse nièce, Carmen Guttiérrez Gallardo. Depuis l'année 2000, la tradition familiale est poursuivie sous le nom de Sucecores de Angel Martinez, S.L. Le dernier congrès national espagnol (juin 2003) qui s'est tenu dans la ville de Puerto de santa Maria à mis à l'honneur l'artiste et son oeuvre. Ses moules et ses crèches sont protégés par une fondation.

Enfin, le travail de deux autres artistes mérite d'être mentionnée. Ils habitent Jerez de la Frontera près de Cadix.

Le premier, Pedro Ramirez Pazos, né en 1960, est autodidacte. Il pratique un art raffiné. Son style baroque est considéré comme une synthèse de ceux de Castells et de Mayo. Ses personnages bien campés ont beaucoup de mouvement, de détail et de finesse dans le modelage ainsi qu'une bonne étude des plissés, présents en grand nombre. Le figuriste pousse le détail de la peinture jusqu'à représenter des dégradés dans le rendu des étoffes. Il s'occupe surtout de pièces uniques (19).

Le jeune José Joaquim Pérez, né en 1982, est le benjamin des créateurs de figurines. Malgré son jeune âge, son travail paraît très prometteur. Il se consacre au modelage de figures de palillo, mais a aussi créé des figurines de style oriental de série. Ses personnages, malgré leur taille réduite, ont beaucoup de mouvement. Les attitudes sont très naturelles et novatrices; les couleurs sont harmonieuses. On perçoit dans ses créations l'influence et la palette de P. Ramirez (20).

Îles Baléares

À Majorque et dans les Îles Baléares, la forme traditionnelle de la crèche est issue des arts populaires. On les surnomme siurells. Elles ont été confectionnés par les potiers comme objet en argile de consécration et utilisées, dans leur forme primitive, lors de rituels magiques. L'étable comme les personnages sont stylisés à l'extrême et peints en blanc uni, une sorte d'engobe (enduit terreux utilisé en céramique) décoré de touches de vert et de rouge, parfois aussi de noir. Certains personnages figurant devant la crèche sont des instruments sifflants, qui font la joie des enfants. Cette pratique étrange se réfère selon E. Houtzager à un vieux chant de Noël majorquin (21).

On trouve également sur l'archipel d'autres petites figurines en argile brute très simple et que sommairement modelées. D'autres figurines ressemblent fortement aux figurines populaires portugaises. Cet artisanat original n'a aucun équivalent dans le reste de l'Espagne.

Notes

(1)EHSER Stephanus, Concilium Tridentinum-, t. nonus, actorum pars sexta complectens acta post sessionem sextam usque ad finem concilii (17-IX-1562-

4-XII-1563), Friburgi Brisgoviae MCMXXIV, pp.1077 à 1079-25ème session, 1er jour.

(2)BOGNER Gerhard, Das große Krippen-Lexikon, Geschichte. Symbolik. Glaube, Süddeutscher Verlag, München, 1981, p. 155.

(3) STEFANUCCI, Storia del presepio, Autocultura, Rome, 1944, p. 462. Cette mesure prouve que la pratique de la crèche se situe, dès les origines, en marge de la liturgie. Dans les archives de la cathédrale de Barcelone figure la description d'une pièce d'orfèvrerie émaillée qui était disposée sur l'autel majeur le jour de Noël. Cette oeuvre figure selon GARRUT Josep Maria Viatge entorn del meu pessebre, Barcelona, 1957, pp. 55-56 dans un inventaire de 1522. STEFANUCCI , ibidem, avance la date de 1572. Tous deux s'accordent à dire que l'oeuvre remonterait au XIVe siècle. GARRUT, op. cit. présente hors texte, p.32, une illustration d'une nativité du XIVe siècle, sculptée dans l'albâtre provenant d'un autel et conservée au monastère de Pedralbes. Sur la crèche de Palma, cfr BERLINER R., Die Weihnachtskrippe, Prestel Verlag, München, 1955, note 383, p. 196. Cet ensemble qui date de la fin XVe siècle a été redécouvert par l'auteur. Ses origines demeurent assez obscures. Installée dans l'église conventuelle des Franciscains S. Maria del los Angeles de Jesus, elle a été transférée dans son cadre actuel, l'église de l'Hôpital de Palma en 1843. Certaines parties comme les nuées sont modernes. Cette crèche qui daterait de 1480 aurait une origine italienne, peut-être napolitaine. Son style présente dans sa disposition actuelle des analogies avec les crèches pérennes des Pouilles, par exemple celles de Stefano de Putignano érigées vers 1530. Elle a été offerte en 1536 par le capitaine Domingo Jaccome en remerciement pour avoir survécu à une violente tempête.

(4) Sur Talarn, cfr CARBONELL Ignasi, El mestre esculdor Domènec Talarn in "El Pessebre", Bulletin de l'Association des Crèchistes de Barcelone, n° 9, 2003, pp.11-12. Talarn fut l'un des premiers à essayer de recréer un cadre historique. Il semble que le terme hébreu qui désigne dans toute l'Espagne les oeuvres de style oriental ait été employé narquois par Pere Teixidor, artiste contemporain de Talarn connu à partir de 1877. Teixidor aurait donné une interprétation très personnelle des vêtements adoptée à la suite par de nombreux figuristes barcelonais. Depuis cette époque, on a pris l'habitude de définir les crèches a la catalana en suivant la typologie rurale des XVIIIe et XIXe siècles et a la hebrea pour désigner les oeuvres de style oriental. Cfr BARRUTI Mila & VINYOLES Laura, Les figures del pessebre popular, Barcelona, 1980, p.95.

(5) Une chronique de Rafael d'Amat, baron de Maldà, mentionne en 1786 une foire qui, sans équivoque, est dédiée à la crèche: "...fira a devant en son carrer, de moltes casetes de pessebres, cabretes, palàcios del rei Herodes, figures de barro i cartró primoroses, d'imatges de sants i pastors, bous i mules i d'altres besties". ... foire devant (la cathédrale) et dans ses rues, de nombreuses boîtes de crèches, chèvres, palais du roi Hérode, figurines de terre et de carton comprimé, d'images de saints et de bergers, boeufs et ânes et autres animaux. Cfr Caloix de Sastre, Vol.II, p. 318. Le document est intéressant à plus d'un titre: il nous apprend d'une part que la terre était déjà privilégiée à la fin du XVIIIe siècle. D'autre part, le terme sant (saint), vraisemblablement employé ici pour les personnages sacrés, pourrait également désigner les effigies de saints en miniature destinées à un usage enfantin pour le jeu de la messe ou de la chapelle. Dans cette acception, on constate dès lors une analogie avec la provence. Dans son sens premier, le mot provençal santoun était utilisé pour ces statuettes avant de se muer en figurine de crèche. Cfr BERTRAND Régis, Crèches et santons de Provence, éditions A. Barhélemy, Avignon, 1992, p. 44. La terminologie de casetes reste par contre peu précise. S'agit-il d'un genre de crèche à voûte, comme celles diffusées en Provence au XIXe siècle ou, plus vraisemblablement, de compositions pérennes montées dans une niches vitrées. Cette description va à l'encontre de la crèche "populaire" qui était déjà populaire à cette époque.

(6) GARRUT Josep Maria, , p.121 et suivantes. L'auteur désigne familièrement Molinié comme "le Newton du créchisme" pour désigner une technique née du hasard, de l'observation et de l'opportunité du moment qui sera par la suite menée de main de maître par son créateur.

(7) Pour donner une idée de l'ampleur du phénomène, le dernier rapport annuel de l' Un-Fœ-Præ , (Association mondiale des Amis de la Crèche), publié à Rome en juin 2003, fait état, en page 4, pour la seule Association des Pessebristes catalans, qui comprend 42 associations locales fédérées, non comprise celle de Barcelone qui est la plus importante et la plus ancienne, de 882 dioramas réalisés pour la Noël 2002 par 836 créchistes! Ces dioramas ont été visités par plus de 300.000. personnes.

(8) AMADES Joan, El Pessebre, 1959. Une première édition plus complète date de 1935, mais qui est pratiquement introuvable.

(9) Sur Carratalà, cfr COMALAT i PLANES Antoni, El somni d'un figuraire in El Pessebre, bulletin des créchistes de Barcelone, n°6, 2001, pp.40-42. Concernant le répertoire des traditions de Noël reprises dans les dioramas cfr Ignasi CARBONELL i GOMIS, Les traditions de Noël et la crèche, Barcelone, 2002 intéressant tiré à part édité par l'Association des créchistes, 2 éditions numérotées en français et en catalan.

(10) Les Castells et leurs oeuvres sont mentionnés dans de nombreux ouvrages. L'article de COMALAT i PLANES, La nissaga dels figuristes Castells, in El Pessebre, n°6, op. cit. pp. 36 à 39 offre une bonne vision d'ensemble de l'évolution stylistique et de la généalogie familiale.

(11) L'homenatge al figuraires catalans, Bulletin El Pessebre, n°4, 1997 , p. 24.

(12) CARBONELL i GOMIS Ignasi, La nissaga dels mestres figuristes Muns, in El Pessebre, n° 9, 2003, pp. 23-25.

(13) Le caganer est un personnage controversé souvent présent dans les crèches populaires, qui a donné lieu à différentes interprétations. En attribuer la création aux Vidal, comme ont voulu le faire certains auteurs, n'est pas tout à fait exact. En réalité, les frères Vidal l'ont diffusé sur une grande échelle, mais il remonte au XVIIIe siècle. Il est également présent dans la crèche napolitaine. Il est apparu dans les moments de crises religieuses qui correspondent à un regain d'intérêt pour la crèche. Son interprétation est fondamentalement différente selon qu'il s'abrite derrière un mur ou qu'il présente ses fesses à la sainte Famille. Certains y voient aussi une allégorie de la mort, celle-ci mettant à égalité pauvres et riches, comme l'action de déféquer. Cfr SOLER i AMIGÓ El Pessebre, una mirada al simbols, in El Pessebre, n°4 p. 19. C'est aussi une preuve que le cycle de la vie continue malgré l'importance de l'événement. D'autres le considèrent comme un symbole de fécondité ayant la faculté de fertiliser la terre, d'assurer la crèche de l'année suivante et le salut des membres de la famille. Le faire figurer à la crèche équivaudrait donc à invoquer la chance. Cfr BARRUTY & VYNIOLES, op. cit. pp. 77-78.

(14) Sur Olot, cfr El Belén historia, tradición y actualidad ouvrage collectif édité à madrid à l'occasion du XIVe Congrès international de l' Un-Fœ-Præ, Madrid, 1992 pp. 118-122.

(15) Salzillo su arte y su obra en la prensa diara, ouvrage collectif, Academia Alfonso X el Sabio, Museo Salzillo, Murcia, 1977. Sur la crèche plus particulièrement, cfr La crèche de Salzillo, ouvrage collectif trilingue espagnol, français, néerlandais, catalogue d'exposition, Institut Cervantes de Bruxelles en collaboration avec la communauté autonome de la région de Murcie, décembre 2001.

(16) Asociacion de Belenistas de Jerez, Los Nacimientos Jerezanos, Tecnicas de construccion, ouvrage collectif, 2è édition, juin 1996, p.38.

(17) ibidem, p.41

(18) ibidem, pp. 40-41. La date de naissance de 1879 mentionnée dans l'ouvrage est erronée. À noter que la plupart de ces notices biographiques sont complétées par mes notes personnelles récoltées sur place auprès des artistes, d'institutions muséales et des diverses associations locales des amis de la crèche. Pour cette référence, je profite de l'occasion pour remercier Ignasi Carbonell i Gomis, ancien Président de l'Association des Pessebristes de Barcelone pour son aide, ses notes et ses conseil amicaux.

(19) Los Nacimientos Jerezanos, op. cit. p. 42.

(20) MORALES Enrique, Entrevista a un joven artista de los años 2000: José Joaquim PÉREZ in Anunciata, Revista de la Federación Española de Belenistas, n°6, octobre 2000, pp. 40-41.

(21) ..en legden Hem in een kribbe, Kerststallen en kribbe uit de collectie Elisabeth Houtzager, catalogue d'exposition, Heilig Land Stichting, Bijbels Openlucht Museum, Nijmegen, 1988, p. 46 note 16.